1.1.2.
La Panspermie
 LA THEORIE DE RICHTER
 A
la fin du XIXème, le scientifique allemand, Hermann Richter se pose une
question qui va révolutionner les théories sur l’origine
de la vie, « Et si la vérité sur les origines de la vie
ne se trouvait pas sur notre planète ? ». Richter pense que la
vie pourrait venir des profondeurs de l’espace, et que notre belle planète
aurait pu être ensemencée par des particules célestes grouillant
d'êtres vivants, les cosmozoaires.
Enfouis au cœur des météorites, ces derniers pourraient traverser
l'atmosphère terrestre sans subir de dommages importants. Cette théorie
est considérée avec un grand sérieux par le monde scientifique.
Lord Kevin
développera une théorie similaire et Pasteur
lui-même cherchera des micro-organismes dans les météorites.
 Cette théorie,
qui affirme que la vie vient du Cosmos, porte le nom de panspermie,
ce mot vient du grec PAN : tout et SPERMIE : germe.
 En 1903, le physicien et chimiste suédois, Svante Arrhénius reprend l'idée de Richter en l'améliorant. Arrhenius est persuadé que l'espace est peuplé de spores qui vagabondant dans les immensités interstellaires, poussés par le rayonnement des étoiles. Il étudie en détail le problème du déplacement de ces spores, ainsi que leur capacité de résistance aux températures excessivement basses du milieu cosmique. Selon lui, le fait que des spores d'organismes terrestres soient encore viables après avoir été plongées dans de l'azote liquide prouve que celles-ci peuvent parfaitement s'accommoder du froid spatial. A l'époque, on ignorait cependant l'existence du vide, du rayonnement ultraviolet et les rayons cosmiques.
 Malgré
son âge honorable, l'hypothèse de l'ensemencement des planètes
par des météorites porteuses de germes est toujours d'actualité.
Comme nous le verrons par la suite, la découverte de la résistance
des bactéries aux conditions extrêmes du milieu spatial, ainsi
qu'à la chaleur dégagée lors d'un impact météoritique
et de la rentrée atmosphérique, a remis la théorie de la
panspermie
sur le devant de la scène.
LA THEORIE
ACTUELLE
La
théorie de la panspermie
a récemment été remise au goût du jour, mais avec
une petite nuance par rapport au concept initial proposé par Richter
: les astéroïdes et comètes n'auraient pas livré sur
Terre des organismes complets près à se développer, mais
plus simplement une grande quantité de molécules prébiotiques,
à partir desquelles les premières cellules se seraient assemblées.
On a vu plus haut, qu'au
début du siècle, certains ont proposé que la vie était
venue du cosmos. Si on fait exception de toutes ces théories ésotériques
qu'on accepte facilement sans jugement critique de nos jours, ce qui a ravivé
un certain intérêt pour l'hypothèse cosmique, c'est la découverte
de molécules organiques dans certaines météorites. Les
grosses météorites se vaporisent littéralement lorsqu'elles
touchent le sol, alors que les petites (quelques centimètres à
quelques dizaines de cm de diamètre) demeurent intactes. On a extrait
de certaines petites météorites des molécules organiques
qui présentent des structures ressemblant aux membranes des cellules
vivantes. On a aussi isolé un pigment jaune capable d'absorber de l'énergie
à partir de la lumière. Certains proposent que ce pigment pourrait
avoir agit comme la chlorophylle des végétaux dans le processus
de photosynthèse.
La synthèse de molécules organiques semble être un phénomène très courant dans l'espace. Dans le vide interstellaire, les scientifiques ont recensé à ce jour quelque 120 molécules organiques comportant entre 2 à 13 atomes de carbone. De nombreux corps extraterrestres, comètes, météorites ou micrométéorites contiennent également une foule de molécules organiques plus ou moins complexes. Si ces composés peuvent être délivrés sur Terre, et à condition qu'ils résistent à la traversée de l'atmosphère, alors notre planète a effectivement pu être ensemencée en molécules prébiotiques par des apports exogènes.
Classiquement
décrites comme des "boules de neige sales", les comètes
représentent de bons candidats pour l'apport de molécules prébiotiques.
Ces astres raffinés et élégants sont constitués
d'un noyau de glace salie par des composés organiques, et qui commence
à libérer de fortes quantités de gaz et de poussière
lorsqu'il s'approche du soleil : la comète se pare alors d'une superbe
traîne que les astronomes appellent coma.
Au sein des comètes,
les scientifiques ont mis en évidence des molécules organiques
simples comme le formaldéhyde et l'acide cyanhydrique. L'analyse des
particules émises par le noyau montre qu'il contient 30 % de matière
organique, avec des atomes de Carbone,
d'Oxygène,
d'Azote
et d'Hydrogène
(CHON). La structure de ces composés carbonés n'est cependant
pas encore définie avec exactitude. Certains affirment qu'il s'agirait
de polymères ordonnées,
d'autres d'amalgames infâmes,
des sortes de goudrons identiques à ceux que l'on peut observer dans
les expériences en laboratoire de type Stanley
Miller, et dont l'importance pour la chimie prébiotique
seraient moindre. Les comètes déposent leurs précieuses
molécules carbonées sur Terre soit par le biais des poussières
qu'elles dégagent (et qui atteignent notre planète lorsque celle-ci
passe dans le sillage de la comète), soit lors des impacts directs avec
la Terre, événements très courants peu après la
formation du système solaire.
Côté matière organique, les météorites ne sont pas en reste. Une classe assez rare de météorites, les chondrites carbonées, sont spéciales car elles contiennent du Carbone (3% de leur poids), de l'Hydrogène, de l'Oxygène et de l'Azote (N) : C.H.O.N., et également riches en eau (20%), en acides aminés... les éléments de la vie ! En 1868, le chimiste Berthelot découvre dans la météorite d'Orgueil, tombée quatre années auparavant en France, des composés aux propriétés chimiques voisines du charbon. La mise en évidence de curieuses structures ressemblant étrangement à des algues avait également fait sensation à l'époque (cette découverte était alors une démonstration éclatante de la théorie de la panspermie). L'analyse de la météorite de Murchison, tombée le 28 septembre 1969 en Australie, montrera également la présence de 70 acides aminés, dont 8 d'importance biologique (c'est-à-dire rentrant dans la composition des protéines). Plus étonnant encore, il semble que ces acides aminés ne soient pas présents dans des proportions racémiques, mais qu'il existe une légère prédominance des formes gauches (L). L'utilisation exclusive par la nature des acides aminés de type L trouve t-elle son origine dans cette asymétrie naturelle, qui aurait été ensuite amplifiée par le vivant ?
La
source principale de Carbone
reste cependant les pluies de micrométéorites qui s'abattent continuellement
sur notre planète. Chaque année, la Terre recevrait jusqu'à
20 000 tonnes de micrométéorites, contre 10 tonnes seulement de
météorites. Ce flux devait être bien supérieur (d'un
facteur 100 à 10 000) au début de la formation du système
solaire.
Contrairement
aux météorites, dont seulement 2 à 4 % sont carbonées
(ce sont les chondrites carbonés que nous avons évoqué
plus haut), 80 à 90 % des micrométéorites renferment du
Carbone
(le reste étant composé de micrograins cristallins principalement
formés de pyroxène et d'olivine).
On comprend donc que l'apport en molécules organiques des micrométéorites
est tout simplement faramineux : les scientifiques estiment qu'il y a 4 milliards
d'années, 30 à 50 000 milliards de tonnes de Carbone
ont ainsi été délivrés sur Terre !
Les
micrométéorites possèdent également des propriétés
remarquables. Premièrement, lorsqu'elles rencontrent les hautes couches
de l'atmosphère (depuis la thermosphère
jusqu'à la stratosphère),
elles peuvent induire de nombreuses réactions chimiques. Des pluies intenses
de micrométéorites engendrent alors un "volcanisme diffus",
le ciel se comportant comme un gigantesque réacteur. Certains auteurs
défendent d'ailleurs l'idée que ce volcanisme diffus a considérablement
enrichi l'atmosphère terrestre en Oxygène
(par photodissociation de l'eau
présent dans les micrométéorites), et que contrairement
à la thèse habituellement défendue, cette molécule
n'aurait pas été exclusivement apportée par des organismes
vivants il y a 2 milliards d'années.
Plus
intéressant encore, chaque micrométéorite peut être
vue comme une éprouvette miniature ou une multitude de réactions
chimiques peut avoir lieu. Chaque particule est effectivement entourée
d'une fine coquille composée de magnétite (un oxyde de fer) mélangé
à du verre. Cet encroûtement délimite ainsi un petit espace
où les réactions peuvent prendre place. Les molécules sont
confinées, ce qui empêche leur dilution (l'un des problèmes
majeurs auxquels sont confrontés les chimistes prébiotiques).
Les micrométéorites sont également d'une grande richesse
chimique : outre de l'eau
et de nombreuses molécules organiques, on trouve également des
sulfures, des oxydes
et des argiles qui peuvent jouer
le rôle de catalyseurs chimiques.
Les astrophysiciens ont en particulier mis en évidence de la saponite,
une argile de la famille des smectites
très proche de la montmorillonite,
très utilisée dans l'industrie chimique. L'autre catalyseur
prometteur est un oxyde de fer hydraté très magnétique,
la ferrihydrite (5 Fe2O3, 9 H2O).
Cet oxyde est non seulement capable d'absorber
naturellement un grand nombre d'acides
aminés, mais aussi de les polymériser
pour former des peptides
et des protéines.
Chaque grain micrométéoritique peut alors être considéré
comme un réacteur chimique individuel, dans lequel la vie aurait pu naître.
Aussi séduisante
soit-elle, la panspermie
ne fait cependant que repousser le mystère des origines de la vie, en
le déplaçant de la Terre vers l'espace. Si la vie est née
en même temps que l'Univers, et qu'elle existe depuis toujours, cela explique
sa présence sur Terre, sans pour autant résoudre le problème
de son apparition dans l'Univers.